Chine

La frontière entre le Kirghizistan et la Chine est un peu speciale. Les 140 premiers kilomètres sur le territoire chinois sont interdits. Pour les traverser, il faut donc prendre un taxi qui coûte les yeux de la tête et pour être sûr que vous coopériez, votre passeport vous est confisqué. Il est conservé par le chauffeur de taxi qui ne vous le rend qu’une fois que vous avez payé lors du tout dernier poste frontière où enfin on obtient le tampon. Nous avons dû nous arrêter au moins six fois, juste pour de simples contrôles. La traversée nous prend l’après-midi, heureusement dans le taxi nous sommes avec deux hollandais, un père et son fils. Ils gérent pour nous la négociation du taxi jusqu’à Kashgar et nous trouvent même un hébergement ! Mais qu’est ce que cette journée fût fatiguante et irritante !

Kashgar : night market

Kashgar : night market

Nous retrouvons avec plaisir une ville animée où le thermomètre est largement au dessus de 20°C. Les gens sont dehors, il y a toute sorte de magasins et on y trouve de tout. Les restaurants sont nombreux, les Chinois mangent beaucoup à l’extérieur. Le soir ils vont au « night market » (marché de nuit). On adore, c’est très bon marché et la nourriture est très variée, on trouve forcément son bonheur. De plus, on peut voir à l’avance ce que l’on mange, plus facile qu’avec les menus !
Les rues sont pleines de scooters. Ils ne font pas de bruit car ils sont électriques mais qu’est ce que leurs klaxons fonctionnent et bien souvent sans raison. Ça nous change du Tadjikistan, ça fait du bien !

Cependant, l’arrivée à Kashgar nous surprend. Sommes nous vraiment en Chine ? Les gens ressemblent pour beaucoup aux peuples d’Asie centrale. Kashgar se situe dans la région du Xinjiang aussi appelé Turkestan oriental. Ici vivent majoritairement les Ouïgurs, enfin vivaient majoritairement car depuis 1949, le gouvernement chinois colonise progressivement la région en envoyant des Hans (ethnie majoritaire en Chine). Le but est de déculturiser la région. Pendant un peu plus de 1000 ans les Ouïgurs ont vécu ici de façon indépendante. Comme les Ouzbeks et les Turkmènes ils sont d’origine turco-mongole. Mais depuis 1884 le Xinjiang est annexé à la Chine. Ils ont pourtant essayé à plusieurs reprises de retrouver leur indépendance mais sans succès. Les tensions entre les Ouïgurs et les Chinois sont nombreuses. Nous avons été très souvent contrôlés lors de nos déplacements même à 3h du matin dans un bus !
La région étant riche en ressources minérales naturelles capitales, la Chine ne compte pas la lâcher. Elle possède en particulier les plus importantes réserves de pétrole, de gaz, de charbon et d’uranium.

Nous profitions des quatre jours de pause à Kashgar pour établir notre parcours. Notre plan était de visiter la région tibétaine mais nous changeons d’avis. Le temps est trop mauvais et nous avons eu notre dose de cols à plus de 4000 m. Nous prenons conscience à quel point la Chine est immense ! Il nous faut faire des choix, pas facile !
À l’auberge nous rencontrons Édouard, un français expatrié qui nous en apprend beaucoup sur la Chine en général et nous conseille pour la suite.

Nous quittons la région avec un bus de nuit (couchettes) de 23h, un premier train de 35h et un second de ..h tout ça en hard sit (siège dur) direction Guilin à 5700 km. Nous ferons tout de même une petite pause de 24h à Xi’an entre les deux trains histoire de souffler un peu. Les vélos et nos affaires sont partis de leur côté bien étiquetés. En Chine, l’organisation de l’envoi des colis est au top !

Terrasses des Yao | Yao terraces

Terrasses des Yao | Yao terraces

Nous récupérons donc nos vélos à Guilin dans la region du Guangxi. On s’éloigne de la ville pour trois jours à la découverte des spectaculaires terrasses de riz situées dans la vallée de Jing Ken.
Cette vallée est aujourd’hui une zone naturelle touristique. Elle compte environ 10 villages, nous choisissons de nous arrêter dans celui de Dazhai. Aux abords de celui-ci, nous sommes interpellés par des femmes de petite taille assez âgées portant des vestes couleur magenta et aux cheveux incroyablement longs toutes coiffées de la même façon. Elles nous sollicitent pour que l’on aille dans leur hôtel, mais nous continuons. À peine entrés dans l’enceinte de la ville une jeune femme portant son bébé sur le dos nous propose une chambre. Le prix est correct et la chambre est chez l’habitant, nous sommes séduits. Nous prenons un bon repas chez eux avant d’aller nous promener dans les terrasses. Lors du repas la jeune femme, apprenant que nous sommes français, nous tend un livre que nous ne lirons que le soir « Tian Tou dernier village avant le ciel » de Jean Claude Raoul. Ce livre change notre journée et notre regard sur les lieux qui nous entourent.

Nous apprenons alors que le grand-père qui vit dans la maison où nous logeons est chaman. Le livre raconte l’histoire du peuple Yao. Il a été découvert en 1994 par le journaliste et photographe chinois Li Yashi. Pris d’amour pour ce peuple et sa region il y reviendra très souvent pendant 20 ans. Les premières terrasses de riz sculptées à même la montagne datent d’il y a plus de 700 ans.
Lorsqu’il les découvrit, les Yaos vivaient dans une extrême pauvreté. Le rendement de leurs terrasses était faible, ils avaient à peine de quoi manger. Pendant le Grand Bond (1958-1960) sur 80 personnes vivant dans le village, 18 sont mortes de faim.
Selon Li Yashi, la splendeur des paysages était un véritable atout, il n’y avait que le tourisme qui pouvait aider ce peuple. Il construisit un premier petit hôtel et plus tard réalisa un documentaire. Le développement fut relativement lent au départ. Avec l’arrivée des touristes, Dazhai a connu un grand bouleversement. En 2002 l’électricité arrivait et la construction de la route permit de désenclaver la vallée. Aujourd’hui les hôtels sont nombreux et de nouveaux sont en construction. Un téléphérique a été mis en place en 2012. Maintenant les femmes aux cheveux longs se battent pour porter les bagages et remplir leurs hôtels. Les Yaos ne s’occupent quasiment plus de leur champs, ils sont bien trop occupés avec les touristes. Ils font donc appel à de la main d’oeuvre extérieure.
Certains pensent que l’argent a fait tourner les têtes, que ça a été trop vite et que les traditions se perdent. Les plus anciens portent encore l’habit traditionnel mais la nouvelle génération semblent s’écarter de tout ça. D’autres sont très heureux d’avoir pu rendre leur vie plus douce. Nous ne savons pas bien quoi penser de cette évolution rapide qui semble ne pas s’arrêter.

Nous revenons à Guilin pour quelques jours. Nous prenons plaisir à flâner dans les villes, tout semble différent en Chine. Pour la première fois du voyage il nous est très difficile de communiquer avec les gens, rien ne fonctionne. Le peu de mots que nous connaissons ne nous servent pas car notre prononciation est souvent mauvaise. Les nombres ne se disent pas de la même façon avec les mains et écrire ne sert à rien. Et ne leur demandez pas de faire des gestes pour accompagner leur discours, il n’y a que les enfants ou les gens simples d’esprit qui parlent avec les mains. Cela nous a valu quelques incompréhensions lors de la commande de nos repas !

Ce qu'on a pas mangé | That we didn't eat

Ce qu’on a pas mangé | That we didn’t eat

La nourriture aussi est différente mais incroyablement bonne. Par contre, il ne faut pas faire attention à l’état des cuisines qui affichent toujours une note d’hygiène de C (la plus mauvaise). Malgré cela, nous ne sommes plus malades. Il y a quand même des choses que nous n’avons pas testé : les têtes d’animaux, et autres trucs bizarres. Il est très fréquent de voir les animaux vivants à l’entrée des restaurants. On peut choisir son poisson ou sa poule pour qu’on vous le cuisine. Nous avons aussi vu des vendeurs de tortues en bord de route, ils les mangent pour les grandes occasions. En ville les caniches et les pékinois sont toilettés mais à la campagne les chiens ont rarement plus d’un an. Ils sont élevés pour être mangés lors des grands événements.
Parmi les différences notables, l’utilisation du papier toilette. Il y en a partout, sauf dans les toilettes ! Avec quoi  les chinois s’essuient-ils ? On ne sais toujours pas. D’ailleurs les toilettes sont comme les restaurants : il sont franchement sales. Il faut dire que le manque d’hygiène nous a un peu gêné pendant notre séjour. Nous avons également été surpris par des comportements différents, les chinois baillent ou s’étirent bruyamment. Roter n’est pas un problème, se curer les oreilles en public non plus, manger en recrachant les déchets sur la table est normal et faire beaucoup de bruit est signe que l’on se régale ! Dans le train, les déchets sont souvent jetés à même le sol ! Il faut dire que tout à tendance à être suremballés.
Après quelques jours on s’y fait.

Nous décidons ensuite de rejoindre la côte est à vélo, à la découverte de la campagne chinoise. Meme si nous touvrons une végétation exotique et de nouvelles odeurs, nous ne voyons que des paysages semblables et ne faisons aucune rencontre. Aprés six jours, nous arrivons à Chenzhou, la ville que nous avons trouvé la plus agréable. Elle est de taille raisonnable et nous avons pour la première fois échangé avec des locaux très sympathiques. Comme les routes de campagne nous ennuient, on decide de changer nos plans. On envoie de nouveau les vélos par train jusqu’à Xiamen, notre destination finale. Nous ne nous rendons pas directement là-bas, nous voulons découvrir une autre ville. Nous choisissons Ganzhou, pas trop grande, c’est parfait. Nous prenons un billet pour Ganzhou et un second pour Xiamen. Après 4h de train nous arrivons, la ville est énorme ! Il ne nous faut pas longtemps pour comprendre que nous ne sommes pas à Ganzhou mais à Guangzhou. Avec deux lettres de différence et une prononciation presque identique, la dame du guichet n’a pas compris. Heureusement il n’y a pas d’incidence sur la suite. Nous avons bien ri !

Repas en famille | Family dinner

Repas en famille | Family dinner

A Xiamen nous rencontrons Rita, la seule locale avec qui nous avons vraiment pu échanger et à qui nous avons pu poser des questions. Nous passons deux jours ensemble. Elle livre à Fanchon quelques-unes de ses recettes et nous parle de la Chine. Elle nous aide aussi à récupérer nos billets de ferry à temps et gère la réception de nos vélos en urgence car il nous est difficile de se faire comprendre. Le tourisme en chine est essentiellement développé pour les locaux et dieu sait qu’ils sont nombreux. Ceux sont les mêmes qu’en France, en groupe, les yeux rivés sur leur appareil photo ! Nous sommes d’ailleurs parfois devenus pour eux une attraction touristique, avec ou sans les vélos. Les femmes essayaient souvent de toucher Fanchon. On avait alors l’impression d’être des singes. Pas toujours simple de rester aimable dans ces situations.

Pour la premiere fois de notre voyage, nous avons découvert un pays vraiment exotique. C’est presque un autre monde ou un monde dans le monde. La Chine est à la fois étonnante, passionnante et déroutante ! Malgré le peu de rencontres, ce mois fût riche en découvertes. Le 6 octobre, nous quittons la Chine et voguons vers Taïwan.

2 Comments

  1. Question conne que je me pose depuis le debut : Comment vous faites pour savoir les kilometres parcourus?

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